sortie du N°25 de notre fanzine culturel de littérature gothique et fantastique

Denver International Airport, 2 may 2094…

Par la grâce de dieu, j’aperçois enfin, à travers un épais brouillard de poussière le dernier symbole de la délivrance : une créature de plus de 9 mètres d’envergure, entièrement façonnée de fibre de verre , qui exposée sous le ciel enflammé du Colorado , laisse transparaître d’étranges reflets d’azur.
Le chef d’œuvre de Luis Jiménez est en effet resté intact malgré plus de 80 années d’existence dans un monde qui a définitivement sombré dans le chaos. Les 2900 km qui séparent New york city et le temple de Denver, m’ont fait voyager à travers des routes sinueuses et délabrées à proximité desquels vivent aujourd’hui encore des créatures mutagènes et irradiées et quelques êtres humains revenus à l’Etat Sauvage…mais me voilà enfin prêt à rentrer dans le nouveau monde, un espace de vie souterrain, tenu secret pendant plus d’un siècle…

Les dernières réserves de carburant dissimulées sous un ancien entrepôt isolé de Salt lake city, m’ont permis d’achever mon long et sinistre périple.
Depuis la catastrophe nucléaire de Fukushima survenu en mars 2011, affectant considérablement
L’équilibre de l’écosystème, la civilisation humaine et les mécanismes politiques, économiques et sociaux du monde ont progressivement basculé dans une dérive sans nom, symbole d’une déchéance incurable ( crises sanitaires et alimentaires, catastrophes industrielles et nucléaires à répétition, déclenchement de la 3ème guerre mondiale entre l’Europe, l’Asie, et les civilisations du moyen orient…, inflation des matières premières et pénurie progressive du carburant, dégradation irréversible de l’atmosphère terrestre…).

Mes fonctions et missions professionnelles au sein du « Nouvel Ordre Mondial » m’ont permis
d’introduire progressivement dans les grands groupes industriels et principaux centres financiers du globe terrestre, les principes de l’antiqualité (une sorte de roue de deming inversée, conduisant les entreprises à s’éloigner subtilement de leurs objectifs premiers en laissant ainsi se développer une multitude de dysfonctionnements, notamment dans le domaine de la sécurité humaine et environnementale). Notre théorie est sans équivoque : la seule façon de reconstruire un monde solide et meilleur, est de détruire le noyau existant, atteint d’une maladie incurable et sans issue pour l’humanité…

il est désormais l’heure de rejoindre les galeries souterraines de l’ancien aéroport de Denver, afin d’enclencher le processus de création du nouveau monde. Dans ma sacoche de cuir usé, plusieurs documents jaunis par le temps accompagnaient systématiquement mes voyages. L’un d’eux transmis par mon père attira plus particulièrement mon attention. Il s’agissait d’un magazine de littérature fantastique intitulé Reflets d’ombres ; sur les premières pages de ce dernier on pouvait encore y lire ceci :


« Les dernières lueurs du jour s’épuisent lentement, plongeant graduellement les provinces de France dans une bien inquiétante somnolence...mais parmi les ombres persistantes, nulle vie ne semble pouvoir s’évader du sinistre naufrage.
…. Sur la première marche du podium, encerclé par les vapeurs souillées de l’atmosphère, la pandémie grippale joue la persévérance, en maintenant prisonnière sa lugubre couronne. En contrebas les cendres des manufactures s’élèvent brutalement, noyant alors le firmament dans une épaisse poussière. La terre s’écroule enfin, conduisant ses habitants dans leur dernier retranchement, au pas d’une symphonie suicidaire.
Tu es désormais le seul roi sur terre, l’unique explorateur d’un paysage désolé, prosterné …dépourvu d’évolution. »
Cette vision du monde sortant de l’imaginaire d’un passionné de sciences fiction, est devenu en 2094 le fruit d’une bien sinistre réalité.