de Villejuif
« Quelles activités quotidiennes ou habitudes se sont révélées difficiles à poursuivre au jour le jour dans ce milieu clos et dénué d’intimité ? Qu’est-ce qui te manque le plus au quotidien ? » Question d’Adrien.
La réponse de Cyprien : J’ai l’habitude de courir et de nager en extérieur (il y a un lac volcanique près du dernier appartement où j’ai habité). Ça n’est évidemment pas possible ici. On a un tapis de course, mais ça n’est pas la même chose. De façon plus générale, je ne peux poursuivre aucune activité en extérieur. Certaines de mes habitudes les plus banales sont aussi modifiées. Par exemple, la façon dont je me lave : je ne prends que deux douches froides d’une trentaine de secondes par semaine.
En-dehors de mes amis et de ma famille, ce qui me manque le plus, c’est le manque de nouveauté et d’inattendu, ainsi que le fait de ne jamais être à l’extérieur. J’aime rencontrer de nouvelles personnes, faire des choses que je n’ai jamais eu l’occasion d’essayer auparavant et les surprises qui donnent une dimension inattendue aux journées. D’ordinaire, j’aime également passer du temps dehors : courir dans la nature, nager dans des lacs et dans la mer, sauter en parachute, camper en montagne… Cela fait trois mois que je n’ai pas été exposé à l’air libre ou au soleil directement.
« À quoi ressemble une journée type ? » Question de David.
La réponse de Cyprien : Notre emploi du temps est très proche de ce que sera a priori celui des premiers explorateurs sur Mars : nous passons nos journées entre la recherche scientifique, l’entretien de l’habitat, le sport et la communication avec l’équipe de support et le public. Par contre, les journées sur Mars sont un peu plus longues que sur Terre : elles durent 24 h 37 min. Ça n’est pas reproduit ici et c’est dommage : vu notre charge de travail, une demi-heure de plus par jour serait bienvenue. Nous essayons quand même de garder un peu de temps chaque jour pour nos loisirs. J’apprends le russe et m’améliore dans d’autres langues, mais aussi dans différents domaines : la salsa, le code morse, le dessin et l’ukulélé. L’un des avantages de l’ukulélé par rapport à une guitare, c’est que personne n’a d’attentes lorsque vous le sortez. Un gros plus pour moi parce que, pour ce qui est de la musique, je n’ai pas franchement un talent inné.
Finalement, les sels toxiques de perchlorate trouvés dans le sol martien pourraient être un problème, mais on ne sait pas jusqu’à quelle profondeur on en trouve ; peut-être que les concentrations diminuent rapidement avec la profondeur. Quoi qu’il en soit, des méthodes utilisées sur Terre pour éliminer le perchlorate pourraient être utilisées sur Mars. Le perchlorate n’est donc pas un obstacle insurmontable à la production de nourriture sur Mars. Si supprimer le perchlorate du sol est trop coûteux énergétiquement (ou pour d’autres raisons), des systèmes hydroponiques pourront être utilisés.
« As-tu eu des restrictions ou régimes alimentaires spéciaux pour participer à cette mission ? » Question d’Inès.
La réponse de Cyprien : Toute la nourriture que nous avons en stock est longue conservation : viande séchée, fruits séchés, légumes séchés, lait déshydraté, boîtes de thon, farine, pâtes etc. Avec un peu de créativité, on peut en tirer des plats corrects. Nous avons aussi apporté avec nous différents microbes qui nous permettent de transformer la farine et le lait déshydraté en pain, en fromage frais, en fromage blanc et autres produits fermentés. De temps en temps, on a quelques légumes frais du laboratoire. Ça n’est pas de la grande gastronomie mais, de façon générale, je mange mieux que pendant mes années d’étudiant fauché !